Cet article, traduit, est destiné
aux pages grecques du n° de septembre 2008 de « I Spitta », la
revue de l'association GRIKA MILUME rédigée en griko.
Certaines choses sont des merveilles,
des chefs-d'oeuvre magistraux, et leur splendeur éclate aux yeux de
tous. Les trésors sont des choses cachées, qu'il faut chercher, et
dont la beauté qu'ils révèlent quand on les découvre s'avère
peut-être plus douce, et le souvenir plus durable.
La crypte des Stes Marine et Christine
à Carpignano, un village de la « Grecia
Salentina », dans les Pouilles, remonte à plus
de mille ans. Cette église souterraine, creusée dans une roche fort
tendre, présente quelques traces d'un remaniement qui a marqué au
XVIIIe siècle le passage du rite grec au rite latin. L'ensemble,
avec de belles fresques allant du IXe au XVe siècle, constitue un
témoignage important de l'art byzantin médiéval dans la région du
Salento*.
Dans la partie du naos appelée
vima et réservée aux
seuls officiants se trouve une Annonciation.
Parmi les centaines
de scènes où un ange agenouillé salue la future mère de Dieu,
surprise (il y a de quoi ...) et recueillie toute à l'écoute, cette
fresque datée de l'an 959 est une chose rare dans l'histoire de
l'art. Presque toujours en effet, l'Ange se tient du côté gauche et
la jeune Marie à droite. Les deux personnages tels que nous les
présente la disposition des lieux dans les tableaux des siècles
ultérieurs sont généralement séparés par un détail de
l'architecture fictive: une colonne, le seuil d'une maison ou d'une
chambre, ou bien l'Ange reste dehors, dans un jardinet, tandis que la
Vierge est dans une pièce parfois somptueuse. Ici l'artiste a
distribué la composition comme le lui suggéraient non pas les lieux
de l'imaginaire mais les parois qu'il avait devant lui : un pan de
mur plus étroit à gauche, un autre plus large à droite, qu'il
articule avec la simplicité de l'évidence.
Disposer
dans une surface restreinte Marie filant à la quenouille permettait
à Theophylactos (le nom du peintre est mentionné dans une
inscription) de déployer à l'aise, dans un grand froissement
d'étoffes et avec toute la solennité voulue, le Messager divin et
ses ailes splendides : quelle sorte d'archange Gabriel serait-il avec
des ailes étriquées? Et de trouver ainsi la place pour rendre
perceptible le mouvement qui amorce la génuflexion – mais ce
n'est pas le moment ce jour-là de se présenter avec discrétion et
retenue (« Pardon, mademoiselle, je ne voudrais pas vous
déranger... »). Il sait déjà, lui, de quoi il s'agit, et la
ligne qui dessine sa main droite – aux doigts joints en signe de
prière – rend impérial le geste du bras qui mène le regard vers
le Pantocrator assis
sur le trône de majesté dans un autre espace, celui de l'abside, au
centre, au coeur, de toute la scène.
Claire
Papageorgiadis-Bodson
*L'Institut de
Technologie de l'Information du CNRC (Conseil National de Recherches
du Canada) a mené en 2003, en collaboration avec l'Université de
Lecce, le projet Carpiniana permettant une représentation
virtuelle tridimensionnelle de la crypte.
Notes
complémentaires
Les représentations les plus anciennes
de l'Annonciation apparaissent au IVe siècle dans les catacombes de Priscilla et
de Saint-Pierre-et-Saint-Marcellin.
Très vite, l'archange Gabriel
sera pourvu d'ailes,
à l'instar des Victoires et des Génies antiques.
La
tradition picturale la plus ancienne, essentiellement illustrée par
le christianisme
oriental,
montre Marie filant la
laine ; selon le Protévangile de Jacques, elle tissait
le voile
du Temple.
Dans
les oeuvres paléochrétiennes occidentales, l'image du Christ ou de l'Eglise était souvent remplacée par une
colonne (Daniel Arasse, dans Histoires de peintures, montre bien comment ce motif, fréquent symbole politique ou religieux, figure la divinité dans nombre d'Annonciations).
A Byzance par contre, remplacer l'image du Christ par une colonne était inadmissible : après le Triomphe de l'Orthodoxie sur l'iconoclasme (fête instituée en 843), on représentait directement le Logos incarné et non pas son symbole (cf. Hélène Papastavrou, Le symbolisme de la colonne dans la scène de l'Annonciation).
Le modèle oriental de la Vierge fileuse se forma sous l'influence des apocryphes.
Dans les représentations les plus anciennes, paléochrétiennes, la Vierge, occupée à filer, est assise ou est debout du côté gauche de la scène. A la place de la compagne grecque, donc dans la partie droite de l'image, est représenté l'archange Gabriel, debout ou en position de marche.
A Byzance par contre, remplacer l'image du Christ par une colonne était inadmissible : après le Triomphe de l'Orthodoxie sur l'iconoclasme (fête instituée en 843), on représentait directement le Logos incarné et non pas son symbole (cf. Hélène Papastavrou, Le symbolisme de la colonne dans la scène de l'Annonciation).
On
distingue deux modèles iconographiques : Marie représentée en
train de filer, ou tenant un livre (la Bible).
Le
premier modèle, plus ancien, attesté depuis le IVe s., est
caractéristique de l'Orient chrétien : on le retrouve, entre
autres, dans l'art copte, byzantin et slave.
La
seconde variante, Marie avec un livre,
attestée seulement à partir du XIIIe s., est typique de l'Occident
chrétien. Si l'on rencontre quelquefois dans l'art occidental des
représentations de Marie filant, c'est l'effet de l'influence de
l'Orient, par exemple de l'art byzantin.
Le modèle oriental de la Vierge fileuse se forma sous l'influence des apocryphes.
Aleksandra
Wasowicz (Académie Polonaise des Sciences - Varsovie, « Traditions
antiques dans les scènes de l’Annonciation »)
formule l’ hypothèse que le modèle de la Vierge fileuse se
serait formé non seulement sous l'influence des évangiles
apocryphes, mais aussi sous celle de l'art antique, en particulier de
l'art grec.
L’art
chrétien aurait simplement emprunté à l'art antique le schéma de
représentation de la femme filant, schéma fixe où deux personnages
sont représentés face à face : une femme qui file, ou qui
prépare la laine, placée à gauche, de profil vers la droite, et du
côté droit sa compagne, de profil vers la gauche. Ce personnage est
toujours debout ou en marche.
Dans les représentations les plus anciennes, paléochrétiennes, la Vierge, occupée à filer, est assise ou est debout du côté gauche de la scène. A la place de la compagne grecque, donc dans la partie droite de l'image, est représenté l'archange Gabriel, debout ou en position de marche.
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